Une tornade humaine et musicale est passée sur la ville de Saint-Brieuc pendant le weekend de la Pentecôte... Le festial Art Rock vient de se terminer, et les festivaliers, bien fatigués, ont fini par quitter le centre-ville... Pour ceux qui n'ont pas pu y assister, petit résumé subjectif des jours 2 et 3 du festival, avec ses hauts et ses bas.
Le weekend a démarré, plus d'excuse pour ne pas profiter de tout ce que nous offre le festival: oeuvres d'art numériques interactives, expositions photos, concerts gratuits, concerts de la grande scène de Poulain-Corbion, repas gastronomiques préparés par les chefs étoilés du coin... C'est parti !
Premier concert du samedi soir, première belle rencontre avec Ibrahim Maalouf, compositeur-arrangeur et professeur de trompette franco-libanais. Peu de spectateurs sont venus pour lui mais Ibrahim ouvre le bal à 18h30 avec son troisième album. Malgré la très légère pluie, qui heureusement ne durera pas, l'heure peu propice aux grands concerts, le manque de notoriété par rapport aux têtes d'affiche du festival, l'artiste se donne corps et âme sur scène, et une véritable communion s'établit entre le public et le trompettiste. La douceur, la mélancolie, l'énergie du musicien provoque l'adhésion totale des spectateurs. Et la joie si visible d'Ibrahim Maalouf, qui avoue lui-même ne pas avoir l'habitude d'aussi grandes scènes, provoque une émotion palpable qui se traduira par les échanges lors du rappel et par les très longs applaudissements de fin de concert.
Pas le temps de sortir de Poulain-Corbion, car les fans de Moriarty se positionnent déjà pour être en bonne place. Et l'attente ne sera pas très longue! Rapidement l'ambiance Far West s'installe sur scène, et la voix de la chanteuse Rosemary Standley nous fait voyager dans le dix-neuvième siècle des cowboys et des pionniers américains, dans l'univers des grandes plaines où couraient encore les bisons.
Au milieu du concert, changement de costume très remarqué de la chanteuse qui arbore alors une belle robe rouge décolletée ne laissant pas ses fans indifférents. L'enthousiasme de la foule a atteint un autre niveau quand le groupe a entonné les premières notes de leur tube "Jimmy". Des milliers de personnes ont repris en choeur les conseils d'humilité des buffles en chantant à l'unisson "and the buffaloes used to sayyyyyyy, be proud of your naaaame..." L'émotion est restée jusqu'au rappel et à la très étonnante reprise a capella de "Enjoy the silence" de Depeche Mode. Je préfère désormais la version 2012 !
Du rappeur Orelsan je n'aurai vu que la fin, parce que son concert est tombé pendant la pause-repas et le nécessaire éloignement des décibels... Désolée!
Nous sommes revenus pour voir Thomas Dutronc, de loin uniquement. Ses nombreux fans avaient envahi Poulain-Corbion et rendaient impossible toute approche. Je suis donc arrivée au milieu d'une chanson dans laquelle Mr Dutronc réclame à corps et à cris... des frites. Et pourquoi pas, la musique ça sert aussi à s'amuser et à ne pas se prendre au sérieux. En tout cas, il paraît que la chanson fait un tabac auprès des enfants...
Autres artistes, autre style: les quatre DJ français de C2C ont pris la scène pour la dernière performance de la soirée en assénant leur musique électronique sur fond d'animations graphiques réagissant aux platines. L'ensemble est intéressant, même pour moi qui ne resterait pas des heures devant une scène électro.
Les expositions numériques et interactives du musée sont encore ouvertes après le dernier concert, nous nous engouffrons donc pour avoir la chance, nous aussi, de téléphoner à une oeuvre d'art, de rentrer dans une BD, de rentrer dans la cathédrale de Sherbrook, au Canada, et d'observer un étrange bipède de cristal, de feu, de poils et de métal. Ah oui, les exposition "Bouillants", ça décoiffe !
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Dimanche, notre motivation pour les concerts de la grande scène de Poulain-Corbion s'est affaiblie... Il faut dire que la programmation était assez inégale, du moins pour nos goûts.
Mais le soleil radieux nous pousse à rejoindre dès 15h la "parade des girafes", spectacle de rue itinérant de la Compagnie Off.
Cette "opérette animalière" met en scène quelques comédiens (diva amoureuse, directeur de cirque, clown...) et un troupeau de girafes rouges articulées, aux gestes très gracieux et poétiques.
La foule a suivi les girafes, encadrées par des garçons de piste, dans tout le centre-ville, jusqu'à la place de la Poste où s'est déroulé le final en musique.
Les gestes de ces animaux artificiels étaient tout simplement hypnotiques, et la mise en scène en musique et en effets pyrotechniques, très originale. Merci à la Compagnie Off d'avoir assuré au pied levé le remplacement de la compagnie Royal de Luxe, endeuillée juste avant le début d'Art Rock.
Une fois revenus au village du festival, nous décidons d'aller au Petit Théâtre voir l'Art Futura Show, une sélection internationale des meilleurs courts-métrages réalisés en images de synthèse. Malheureusement la salle était déjà pleine, la seconde projection annoncée n'a pas vraiment eu lieu, et rien n'était prévu le lendemain, lundi de Pentecôte.
Par bonheur, les musiciens du métro assuraient leur mission de divertissement d'un public moyennement attentif puisque occupé à manger et à boire. Après un petit concert gratuit, direction l'exposition de "la Boutique" et l'installation interactive "Vitre(in)" au Passage de la Poste. Un petit détour par les nombreux bars proposant des animations musicales, l'occasion de croiser Julien Tiné, DJ local qui monte doué du don d'ubiquité, et il est temps de retourner à Poulain-Corbion.
Les festivités ont déjà commencé, et les rappeurs de "1995" me font prendre un coup de vieux puisque je comprends seulement un mot sur deux de ce groupe qui déchaîne pourtant les lycéens présents devant la scène.
Je ne ferai que des aller-retour pendant leur performance et celle de Stephen Marley, chanteur de reggae et fils de l'émérite Bob Marley. Et je ferai une impasse sur le troisième concert.
Pendant Theophilus London et son rap US qui n'a apparemment séduit que les fans du genre, direction le Village du festival pour goûter une nouvelle fois aux petits plats préparés par le collectif Rock'n Toques: des chefs, cavistes et pâtissiers de Saint-Brieuc ont décidé de monter une association pour proposer des plats originaux et décalés à petits prix pendant les festivals locaux.
Tous les plats ont l'air succulents, et les files d'attente valent bien le contenu délicat et pourtant rassasiant des assiettes! Le samedi soir, nous n'avons pas pu avoir de desserts car les chefs se sont retrouvés en rupture de stock. Cette fois-ci nous les achetons donc en même temps que les plats pour donner libre cours à notre gourmandise.
Les desserts en forme hamburgers intriguent beaucoup. Ce sont en réalité de grands macarons habilement déguisés grâce à des mousses au chocolat, à la fraise at à la mangue. Le trompe-l'oeil est aussi réussi que le mariage des différents goûts et la texture du macaron en lui-même !
Une fois notre repas avalé devant les marches du théâtre, nous nous dirigeons vers la Passerelle pour admirer l'exposition de photos gratuite installée dans le forum. Mais à l'entrée nous nous faisons rabrouer par un employé visiblement fatigué de son long weekend et qui nous a sèchement indiqué que c'était fermé et que les portes ne rouvriraient que pour les concerts. Trois questions plus tard, il nous apprend enfin qu'en effet, l'exposition gratuite n'est visible que pour les détenteurs de tickets pour le prochain concert payant, et que l'autre partie de l'exposition est en place dans le centre commercial du Champ de Mars, fermé le dimanche. Une exposition gratuite uniquement pour ceux qui achètent un ticket de concert ? Voilà une belle fausse note dans l'organisation du festival !
Nous remplacerons donc la visite par une balade en ville. Après tout le spectacle est aussi dans les rues bondées ! La ville entière s'est mise à l'heure Art Rock et tous les bancs, tables, terrasses, murets sont pris d'assaut. Le beau temps est revenu et la foule fait le plein de soleil avant de retourner voir les concerts.
Ce que nous attendons réellement, c'est Shaka Ponk. Ces énergumènes de la scène électro-rock se sont déjà produit à Saint-Brieuc très récemment, mais ils aiment sans doute le coin puisqu'ils ont décidé d'y revenir très peu de temps après leur performance à la Citrouille, salle de concerts de Saint-Brieuc spécialisée dans les "musiqus actuelles".
Mais en attendant, place aux Brigitte. Je ne les connais que très peu et je ne m'attends pas à grand-chose du concert, je souhaite juste voir ce que vaut ce groupe français dont j'ai tant entendu parler. Première impression visuelle fidèle à leur réputation: les chanteuses ont adopté le look faussement rétro/vraiment branché des milieux parisiens où il faut être vus. Les robes brillent et sont fendues très haut sur la cuisse, les lunettes évoquent immanquablement Nana Mouskouri, la chèvre empaillée installe l'ambiance années 70 nécessaire pour la première chanson... Et c'est parti ! Les premiers rangs connaissent les chansons par coeur et reprennent avec joie les refrains et les couplets. Les rangs suivants me paraissent plus circonspects, mais attendent avant de formuler leur opinion définitive. Cela ne me paraît pas transcendant, mais pas mauvais non plus, attendons la suite!
Elle viendra sous la forme de quelques chansons acidulées, sirupeuses, faussement innocentes puis franchement osées.
Les Brigitte usent de leur pouvoir de séduction sur le public -qui le leur rend bien- grâce à quelques danses lascives, à des attitudes séductrices et à des paroles très libérées qui ne laissent aucune part à l'imagination.
C'est ce que je regretterai finalement dans leur numéro: l'absence de toute subtilité. Les Brigitte me semblent surfer sur la vague fatiguée du girl power, en essayant d'y rajouter un second degré blasé peut-être un peu trop sûr de ses effets.
Elles argueront sans doute qu'elles mettent en avant l'indépendance et la force de femmes qui osent tout et ne se cachent de rien. Oui, mais la révolution féministe des années 70 est déjà passée par là, et je ne suis pas convaincue par leur message. Une femme n'a pas besoin de parler constamment de sexualité et de la revendiquer pour être une femme forte, et l'indépendance ne se joue pas que dans le regard plein de désir des hommes.
Je me suis laissée emporter par leurs mélodies pendant le concert, et elles m'ont fait passer un moment agréable, c'est déjà bien et on en restera là.
Pour clore le festival, les organisateurs ont donc fait appel à l'électro-rock de Shaka Ponk. Certainement une belle opération, puisque la foule est plus nombreuse en cette fin de soirée de dimanche que pendant tout le weekend, alors que l'affluence était impressionnante depuis vendredi ! Toutes les soirées se seront terminées sur de l'électro -au grand dam des puristes du rock! Après tout, le festival s'appelle "Art Rock"- mais la dernière aura tout de même eu une touche différente.
Contrairement aux apparences, ce groupe est d'origine française. Ils se contentent de chanter en anglais et en espagnol sur leurs créations aux confins du rock expérimental, du hip-hop, du funk et du métal. Le mélange est difficile à décrire, mais en tout cas, ça bouge !
L'ambiance était survoltée ce soir-là, la bonne humeur du groupe très communicative, leur énergie électrisante, et les spectateurs surexcités par la performance des 6 musiciens et de leur singe virtuel. On peut vraiment parler d'un final avec panache !
Je me permettrais juste une suggestion folle pour l'an prochain: recouvrir le parking de Poulain-Corbion de gazon synthétique. Parce que bon, pogoter sur du goudron abîmé et des gravillons, ça va deux minutes, mais il y a mieux. Et les festivaliers s'assoieraient plus volontiers par terre pour attendre les prochains groupes autour d'un verre...
En bref, non tout n'était pas parfait, mais c'était tout de même une excellente édition, un formidable festival, une bouffée d'air hallucinogène pour la ville, et on décompte déjà les jours avant la 30ème édition !
Le site d'Ibrahim Maalouf:
http://www.ibrahimmaalouf.com/
La programmation des "Bouillants" à Art Rock 2012:
http://www.bouillants.fr/lieux/art-rock-2012
Le blog de la Compagnie Off:
http://off25ans.wordpress.com/spectacles/